Le Nez Bavard#2 : les fleurs blanches, la vierge et la catin

RENCONTRE PARFUM LE NEZ BAVARD – Pour cette deuxième rencontre, le Nez Bavard aborde les fleurs blanches (tubéreuse, fleur d’oranger, jasmin, ylang), un sujet plus complexe qu’il n’y paraît.

Source http://www.biolandes.com
Source http://www.biolandes.com

 Après le cuir, l’équipe du Nez Bavard a choisi un autre gros morceau des thèmes parfumés, les fleurs blanches. A priori, ça n’était pas un thème qui m’attirait plus que ça, vu que les fleurs blanches ça n’est pas trop ma came (sauf que… bref :p). Mais comme c’est dans un but éducatif pour mon appendice nasal, j’y suis donc allé (en gros j’ai prévu de tous les faire hein ^^). Mais qui sont donc ces fleurs blanches? Parce qu’au final, elles ne sont pas toutes blanches… Mais elles partagent plusieurs caractéristiques communes qui en font un groupe particulier en parfumerie, comme le fait d’être originaires de pays chauds ou tropicaux. Les dames que nous avons abordées sont le jasmin, la fleur d’oranger, la tubéreuse et l’ylang (qui est jaune donc :p).

le Nez Bavard fleurs blanches 5Leur premier caractère commun, c’est leur utilisation “directe” en parfumerie. Comprenez qu’on peut en extraire les principes odorants (alors que pour le lys par exemple, ou le muguet, cela n’est pas possible, ces notes sont reconstituées). Mais ces belles dames ont connu un succès mitigé en Europe, sans doute en raison de leur utilisation dans les lieux de deuils, comme les funérariums, lorsque les techniques de conservation des corps en rendaient la proximité olfactivement désagréable.

Car oui, corps en décomposition et et fleurs blanches ont plus en commun que vous ne le croyez. Elles exhalent diverses molécules odorantes, comme l’indole qui résulte de la dégradation des protéines. On en trouve dans les intestins, et les corps en décomposition donc. En fait l’indole fait partie de ces molécules qu’on retrouve dans les fleurs blanches et qui évoquent un rapport à la peau et à la chair (comme encore le paracrésol, ou les lactones, dont certaines sont produites par la flore bactérienne cutanée). C’est pourquoi ces fleurs semblent tant se fondre sur la peau, et en exalter les facettes animales.

le Nez Bavard fleurs blanches 6Ces jolies dames qui semblent si virginales par leur couleur cachent bien leur jeu. Mais outre ces notes animales, elles exhalent également des notes solaires, qui sont dues à certains salycilates. Ce sont ces molécules qui leur donnent cet effet très lumineux et associent dans notre tête les fleurs blanches au soleil. Vous connaissez au moins un salycilate, car c’est lui qui donnait l’odeur originale de l’Ambre solaire (il servait à l’époque de filtre solaire)… Mais penchons nous un peu plus sur ces demoiselles au cas par cas.

le Nez Bavard fleurs blanches 2La fleur d’oranger, la fausse ingénue

La fleur d’oranger, dont on utilise en parfumerie à la fois l’essence (issue de la distillation, qu’on appelle aussi Néroli) et l’absolu (issu de l’extraction aux solvants), est en fait un peu à la marge de consoeurs. En effet, elle est la seule à ne pas contenir de lactone, ce qui en fait la plus désincarnée des quatre, dans le sens où il lui manque cet effet de fondu à la peau (donné par les lactones donc). Distante, drapée dans une fausse innocence, on l’associe souvent à l’enfance (merci Mustella!).

le Nez Bavard fleurs blanches 4Le jasmin, l’indolente

Considéré comme un puissant aphrodisiaque, le jasmin joue lui dans les effets de chair, tout en prenant de la hauteur grâce à l’Hédione. Dans les parfums, si on pousse sur cette dernière, on obtient un jasmin plus doux, aqueux, plus transparent et lumineux. En poussant les notes animales (l’indole plus particulièrement) on obtient un jasmin plus fauve, plus incarné.

La tubéreuse, la scandaleuse

Ha la tubéreuse, cette diva fracassante qui ne laisse pas indifférent. Souvent on l’aime ou on la déteste. Il faut dire que l’absolu malmène un peu le nez. Plus piquante, épicée et narcotique, elle s’accroche à la peau et enveloppe de sa présence hors du commun. Là encore tout le jeu du parfumeur est soit de la dompter, soit de l’exalter (et là ça décoiffe!).

L’ylang, l’exotique

C’est évidemment l’ylang qui évoque le plus ces notes solaires dont se parent les fleurs dont nous parlons. Crémeuse et opulente, elle apporte souvent cette solarité dans les parfums. Un peu d’ylang et hop on pense vahinés aux seins nus et plage de sable blanc!

le Nez Bavard fleurs blanches 7Voila pour vous donner une idée de ce qu’on peut dire sur les fleurs blanches au Nez Bavard. C’est un sujet passionnant et le traitement de ces fleurs en parfumerie est captivant, car tout est jeu de nuances pour faire ressortir plutôt telle ou telle facette de la fleur. D’ailleurs moi qui n’aimait pas la tubéreuse, je me retrouve à avoir deux flacons et plusieurs décants pour étudier les différents visages de la diva.

le Nez Bavard fleurs blanches 3L’idée de ce billet n’était bien évidemment pas ici de vous présenter de façon extensive les fleurs blanches, car sinon plus besoin d’assister aux rencontres du Nez Bavard 😉 et de nombreux détails méritent d’être mis en lumière conjointement à l’olfaction des composés concernés. C’est également pourquoi je n’ai pas parlé des parfums que nous avons senti pendant cette session. Car le but de ce billet est surtout de vous donner envie d’y aller vous même ;).

Les photos en noir et blanc ont été prises par Patrice (Musque moi).

7 thoughts on “Le Nez Bavard#2 : les fleurs blanches, la vierge et la catin

  1. Merci pour l’explication des molécules, c’est très clair et très intéressant, il faut que je vienne à la prochaine rencontre. Je n’aime pas l’odeur des fleurs blanches, mais ton billet me donne envie d’aller voir plus loin (que le bout de mon nez, ha ha). La tubéreuse, notamment, me donne directement des maux de tête et la nausée, assez fulgurant comme effet. Il y a aussi je crois la «qualité» des matières utilisées (si on peut dire ça, je ne sais pas), nos nez sont «pervertis» (la véritable odeur de vanille par exemple est très subtile, loin de l’horrible odeur que l’on nous balance dans certains parfums). Sujet passionnant, merci de nous inviter dans ce voyage ! Et j’adore le titre de l’article. Bon week-end. 😉

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    Poupoune Reply:

    Ha mais la “vanille” qu’on sent partout en fait ce n’est pas de la vanille… c’est de la vaniline, un des composants de la vanille. Et que je déteste, alors que la vanille entière est très belle.
    Je n’aimais pas les fleurs blanches non plus et tu vois en plus des parfums tubéreuse dont je parle dans le billet je viens de m’acheter un fleur d’oranger! Mais le jasmin c’est pas pour tout de suite!

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  2. J’aime te lire sur les parfums Poupoune, même si les molécules me sont inconnues ça en rajoute à la fois sur la magie des odeurs mais aussi sur la “technique” d’isoler/réunir certaines facettes (je ne suis pas claire du tout, j’essaie de dire qqch comme “extraire” d”une fleur toute une gamme possible de compositions, et donc de (re)découvrir une même fleur sous plein d’interprétations différentes). Et je pense que ces découvertes, se réapproprier une fleur qu’on pensait ne pas aimer car utilisée sous tel angle fait tout le sel des rencontres du nez bavard. En attestent ton amour qui devient dévorant pour les cuirs 😉

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    Poupoune Reply:

    Ha non mais les cuirs j’avais une prédisposition je pense lol, ça n’a fait qu’activer un truc. Là me faire acheter de la tubéreuse c’était déjà plus un challenge!

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  3. Ah la vaniline, eh bien je ne savais pas. Je me dis qu’en effet aller à ce genre d’atelier doit ouvrir de nouveaux horizons olfactifs ! J’ai vu qu’ils refaisaient un atelier senteur cuir à la fin octobre, chouette !

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  4. Étant une grande fan du Jasmin, ça fait plaisir de oir qu’il peut être aussi sauvage qu’apprivoisé ;).

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    Poupoune Reply:

    Le jasmin n’est pas ma fleur blanche préférée (il semble que ça sera … la tubéreuse comme quoi!), mais ce que j’aime avec ces fleurs c’est justement ça : si on pousse l’une ou l’autre facette, on obtient une jolie fleur sage, ou au contraire une putain décomplexée ^^

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